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CINEMA - The Shape of Water (2018)


ATTENTION : Cette critique contient des SPOILERS !



Ce jeudi dernier, à l’occasion d’une journée où je n’ai pas cours – quelle joie – je me suis rendue au Gaumont de ma ville afin de voir le film qui fait tant parler de lui : The Shape of Water, traduit littéralement par La Forme de l’eau. Réalisé par Guillermo Del Toro qui a aussi fait entre autres le super Labyrinthe de Pan, je ne pouvais qu’avoir extrêmement envie de poser mes yeux sur sa nouvelle œuvre atypique et sous le signe du bleu. Blue everywhere !

J’avais déjà longuement attendu l’arrivée de ce film aux yeux du grand public, ayant entendu parler du projet alors qu’il était encore en tournage. L’idée d’une relation atypique entre une femme et une créature totalement assumée m’intriguait. En toute honnêteté, je ne suis pas habituellement friande d’histoires d’amour à la limite de la zoophilie – second degré bonjour, bien entendu, je suis la première à connaître les musiques de La Belle et la bête par cœur – mais j’aime la façon dont Del Toro dépeint son fantastique dans ses films. Du coup, le parti pris ne pouvait que me charmer. D’autant plus que le casting choisi m’était en parti inconnu ou alors brièvement familier : Vous savez, le genre d’acteurs qui illumine votre cerveau quand vous voyez son visage avec un « Ah, mais si, je suis sûre de l’avoir vu quelque part ! ». Ce fut donc, hormis le réalisateur, une totale découverte à laquelle je me suis donnée à cœur joie.


Et ça parle de quoi, Shape of Water ?

Le film traite principalement d’un lien entre une femme de ménage muette, Elisa Esposito (Sally Hawkins) et d’une créature amphibie (Doug Jones). Elle est ramenée d’Amérique du Sud par le colonel Richard Strickland (Michael Shannon) durant les années soixante, période de guerre froide. D’après ses dires, la créature était vénérée par les indiens comme un Dieu, un être supérieur à l’humain.

Evidemment, ce ne sera pas le cas de monsieur le militaire qui veut à tout prix tuer l’être aquatique au contraire du scientifique, infiltré soviétique, qui l’étudie avec passion et ambition : le Docteur Hoffstetler (Michael Stulhbarg), de son vrai nom Dimitri. Ce dernier est chargé de la tuer par ses supérieurs afin de contrecarrer les plans des américains. Or, il éprouvera une empathie et une soif de connaissance qui l’amènera à s’allier avec Elisa et sa troupe : le voisin de la jeune femme, Giles (Richard Jenkins), et sa meilleure amie Zelda (Octavia Spencer) avec qui elle travaille.



Et du coup, qu'est-ce que t’en penses ?

C’est sans surprise que je vous avoue ma grande joie face à ce film. J’ai aimé du début à la fin, autant par sa narration, ses sujets que par sa matière esthétique et artistique. Je vais expliquer d’abord ce qui m’a charmé par l’histoire en elle-même dans son fond, puis dans sa forme.

Le film traite, selon moi, plusieurs thèmes qui se rejoignent plus au moins entre les protagonistes : l’amour hors des normes installées par la société et l’humanité dans ses deux opposés, dans ce qu’elle a de plus beau et de plus cruel. Elisa et Giles représentent tous les deux, au travers de leur amitié et de leur solitude respective, les joies et les tristesses des sentiments qu’on ne peut contrôler.

Elisa est éprise d’un mystère pour l’être humain, d’un « monstre » comme le qualifient son entourage mais en qui elle trouve pourtant beaucoup de points communs dans lesquels elle se réconforte et expérimente le bonheur. Tous les deux ne peuvent pas parler mais se lient par les regards, le langage des signes et la musique. La barrière du physique est amplement dépassée : c’est la personne en tant que telle qui aime et est aimée en retour.  Leur symbole, l’eau, est ce qui les réunie et les enferme dans leur bulle protectrice : elle est leur barrière protectrice, notamment lors d’une scène où Elisa remplit la salle de bain entièrement d’eau afin de faciliter leur relation sexuelle et charnelle. Flottant comme dans un rêve, ces deux-là m’ont fait lâcher ma larme plus d’une fois.


Quant à Giles, dessinateur délaissé par les industries publicitaires, cela est bel est bien le revers de la médaille qui lui est attribué. Homosexuel dans un pays raciste, misogyne et homophobe, il tombe amoureux d’un serveur qui se révèle le repousser lui et un couple noir entrant dans son diner. Giles nous fend le cœur par sa tentative désespérée de trouver sa place, qui finalement se forgera auprès de sa meilleure amie Elisa en l’aidant à s’épanouir. Cela lui redonnera de l’inspiration pour ses dessins. L’amour au degré charnel possède une place capitale mais l’amitié également avec Zelda, meilleure amie noire d’Elisa, subissant les remarques racistes et son mariage raté aux odeurs de patriarcat. Elle soutient sa collègue corps et âme, représentant ce qu’il y a de plus pur et de bon dans l’humanité et ses capacités sociales. Hoffstetler suit aussi le mouvement par toutes ses tentatives de sauver la bête, ayant jusqu’à tuer pour son espoir envers la science et l’avenir.

Malheureusement, le monde n’est pas tout blanc ni noir. Son côté sombre se manifeste majoritairement par l’armée américaine, notamment par Strickland, l’un des personnages qui m’a le plus fasciné durant ma séance. Il est tout ce que l’homme a de plus répugnant, le véritable monstre de tout cet orchestre : misogyne, manipulateur, égocentrique, violent, prédateur sexuel et assoiffé de pouvoir et de reconnaissance. Il ne veut que la réussite, l’honneur de son grade et de ses supérieurs. Lui-même est traîné comme un vulgaire jouet par le général Hoyt qui lui promet le déclin qu’il redoute tant s’il ne tue pas l’amphibien. Dans sa cruauté, c’est un homme d’une tristesse sans nom, dans un semblant de vie parfaite, d’autant plus que monsieur prêche la « pensée positive », lisant son petit bouquin sur le sujet dans son bureau. C’est un être putride qui m’a sincèrement intéressé dans tout ce qu’il a de plus hideux ; notamment le petit détail de ses deux doigts arrachés par son ennemi des eaux qu’il s’est fait recoudre, pourrissant au fur et à mesure qu’il « plonge » dans ses ténèbres. Je pense que cet antagoniste a été pour moi le point fort de mon visionnage, tout autant que la beauté de la différence véhiculée dans les images.



Et les images, justement ?

J’ai été très sensible, hors les séquences d’ouverture et de fermeture que je préfère laisser libre d’interprétation et de poésie à tous, à trois séquences particulières dans le film, mais j’y reviendrai un peu plus tard. Dans un résumé plus général, les couleurs m’ont sincèrement marquée. Du bleu, oui, mais des tas de variantes de bleu selon la situation, le personnage, l’ambiance. Les couleurs froides règnent mais rendent des moments sincèrement doux et chauds ; notamment lors du câlin passionné d’Elisa et son amant amphibie. Le vert aussi s’impose avec Strickland et sa fameuse nouvelle Cadillac (il frime un peu tavu) ou les murs des toilettes du laboratoire où Elisa, Zelda et le spectateur le rencontrent pour la première fois. Les lumières sont assez discrètes mais utiles là où il faut, spécialement lorsqu’elles se concentrent sur Elisa et ses expressions, ses sentiments dévoilés aussi clairs que si elle avait la parole. J’ai été charmée par son joli sourire tout au long du film !

Certains choix esthétiques m’ont plus marqué que d’autres, alors je vais plutôt m’attarder sur eux pour exprimer globalement ce que j’ai aimé visuellement. La première scène que je garde sincèrement en tête est celle de Strickland et l’achat de sa Cadillac : en plus d’avoir la famille blanche, américaine et clichée parfaite, le colonel décide de se faire plaisir – comme s’il se donnait bonne conscience –  et de s’offrir une belle voiture. On le voit dans le magasin au même vert que la voiture qu’il choisira, vert sarcelle, couleur qu’il n’apprécie guère au début en ne la réduisant qu’a un simple « it’s just green for me » (cela reste vert pour moi). Le vendeur, avec sa super allure de marketeux, le convainc avec un simple « oui mais m’sieur, c’est populaire, tous les mecs l’ont m’voyez » (ce n’est pas énoncé ainsi mais je vous assure que l’idée va totalement dans ce sens). Cette séquence m’a marquée car elle ajoute à Strickland un objet définissant son énorme égo et son besoin d’être reconnu, regardé, envié. Objet qui sera abîmé sur le phare avant-droit par Giles et son petit camion bleu en y fonçant accidentellement dedans : j’ai plutôt vu ici une supériorité totalement fissurée et un Strickland entrant peu à peu dans la folie et l’impossibilité de contrôler sa colère. Cette séquence m’a permis d’encore plus apprécier son développement.

La seconde séquence où je voulais m’attarder l’implique à nouveau, mais cette fois face à Hoffstetler, les deux dans un dialogue passif-agressif après la disparition de l’amphibien. Le rapport de force va vers Hoffstetler, connaissant bien plus d’informations que le colonel : il sait où est cachée la créature. Ce dernier sent évidemment le subterfuge et ne peut que continuer à perdre sa chère « pensée positive ». Cette scène fait écho à une autre plus tôt dans le film où Strickland, confortablement assis en lisant son livre sur le sujet, rabaisse joyeusement le scientifique entré en panique dans son bureau sans frapper. Il lui rappelle de « respecter le protocole » et lui ordonne de sortir, de toquer puis d’entrer. Hoffstetler prend donc un malin plaisir ici à lui rappeler à nouveau le protocole puisque c’est lui qui a désormais la main mise sur ce qui intéresse ses convoitises, insistant sur le « Docteur » avant son nom de famille. L’importance du décor et des costumes m’a spécialement interpellée car ils représentent les deux facettes extrêmes de la bonté humaine et de ses limites : l’égoïsme ou l’humilité. Arborant les mêmes couleurs dans leurs tenues, celles-ci sont inversées pour chacun des personnages : le noir domine sur Strickland avec sa veste et le blanc de sa chemise est recouvert tandis qu’Hoffstetler porte une blouse blanche sous une chemise noire. C’est d’ailleurs celui-ci qui est face aux caméras de surveillance lorsque le colonel lui parle. C’est lui qui est capable de voir ce dont Strickland n’a pas accès et qui est pourtant juste derrière lui. On pourrait donc penser ici que l’empathie et l’espoir d’Hoffstetler sont triomphants et plus fort que l’humanité néfaste et dangereuse… Or, la thématique est bien plus en distorsion que cela. Le pire et le meilleur de la vie ne font que se chevaucher sans cesse et sans déterminer un réel « gagnant ». C’est en ça, selon moi, qui fait la force de Shape of Water : son côté gris.


C’est ce gris doux-amer qui m’amène à la troisième séquence qui m’a le plus marquée : la déclaration d’Elisa. On sort complètement du schéma narratif imposé jusque-là pour nous amener dans la rêverie de la muette où sa voix prend justement vie. Adorant les feuilletons musicaux qui passant à la télé, dont le film Hello, Frisco, Hello et sa chanson You’ll Never Know, elle se projette dans ce monde en noir et blanc où elle danse avec celui qu’elle aime – vision d’abord légèrement étrange parce que je n’ai pas l’habitude de voir un homme-poisson faire des pirouettes... La lumière se focalise sur elle, sa voix apparaît petit à petit pour enfin l’amener à chanter et danser sur la scène, vêtue d’une jolie robe longue, avant de retourner sur sa petite chaise de cuisine alors que la créature mange ses précieux œufs bouillis. Cette séquence est à la fois adorable et attristante puisqu’Elisa exprime ici son désespoir de ne pouvoir dire ce qui est pourtant normalement si simple à épeler : un « je t’aime ».

La musique du film est également d’une importance capitale au travers des événements ; je l’ai trouvée agréablement réussite, ne m’attendant pas à un résultat aussi satisfaisant niveau musical (je ne sais pas pourquoi je n’avais pas vraiment d’appréhension positive pour la bande originale, ne me demandez pas). Le thème suivant Elisa aide à s’identifier au personnage et représente très bien sa personnalité. Si je devais décrire mon ressenti au niveau de cette bande originale, je dirais qu’elle est sous le signe des sentiments. Chaque morceau, en plus de s’allier à l’action que l’on voit, est fréquemment l’écho des émotions des personnages avec Elisa rêvassant dans son bus, par exemple. J’ai eu un grand coup de cœur pour la reprise de La Javanaise, que je vous mets ci-dessous.



Faudrait conclure ton blabla…

The Shape of Water a été pour moi une franche réussite et une excellente séance. Il s’agit du genre de films que je mémorise avec amour et que je n’hésiterai pas à revoir, notamment pour son développement profond et son esthétique visuelle sincèrement délicieuse pour les yeux (la motion picture est à couper le souffle, je me devais de le dire quelque part) ! Si je devais tout de même lui trouver des défauts, ce serait dans une certaine sous-exploitation du personnage de Zelda, un peu résumée à la « black bff ». Pourtant, ce n’est pas forcément un défaut en soi puisque sa présence est nettement justifiée et appréciable. Le deuxième défaut est sûrement le détail le plus stupide que je vais écrire ici : il y a un souci avec un chat. Je n’en dirai pas plus, mais si vous êtes sensibles aux animaux comme moi, je préfère vous prévenir que vous n’apprécierez pas du tout. En tout cas, ce fut une très bonne expérience pour ma part et je vous souhaite vivement de courir dans vos salles pour le voir par vous-même et me donner votre avis ! Merci à vous d’avoir lu ce premier article et, dans la foulée, première critique de film !


- Melia

Commentaires

  1. First !
    Me voici abonné sur ta page
    MAIS
    je peux pas encore le lire vu que j'ai pas vu le film et que je compte aller le voir !

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    Réponses
    1. Pas de soucis, n'hésite pas à y revenir une fois que tu l'auras vu !

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